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2 novembre 2011 3 02 /11 /novembre /2011 18:01

Monsieur le Président,

Chers Collègues,

 

Concernant les orientations relatives au Schéma Gérontologique pour la période 2012/2016, mes premières observations portent d’abord sur la forme. Ainsi que j’ai eu l’occasion de vous l’exprimer par courrier au nom de notre groupe, il me semble dommageable pour la vie démocratique de notre collectivité et peu respectueux des élus du Département que nous sommes qu’une communication ait été faite auprès des professionnels et des médias sans qu’à aucun moment, nous n’ayons été consultés ni associés au travail de réflexion et d’élaboration de ces orientations.

 

Quel sens peut avoir notre débat d’aujourd’hui lorsque la communication la plus large sur ces orientations a déjà eu lieu et que nous n’en avons découvert le contenu qu’à posteriori ? Voilà une bien singulière conception du débat démocratique. Nous avons nous fait le choix d’aller à la rencontre des professionnels du secteur et nos propositions sont aussi le fruit des échanges que nous avons eu.

 

Ensuite, ce schéma faisant suite à un précédent couvrant la période 2006/2010, il nous semble que la moindre des choses eut été que ce nouveau schéma s’appuie sur une évaluation de l’impact du précédent à partir des problèmes majeurs identifiés lors du débat de 2005 lors du vote du document d’orientation correspondant. Or, si les évolutions quantitatives des bénéficiaires y figurent et soulignent l’important travail de recensement effectué par les services, l’incidence du précédent schéma sur les questions majeures évoquées reste difficile à réaliser faute d’une analyse qualitative, notamment sur les 80 fiches-actions censées illustrer l’engagement du département dans une stratégie de prestations de qualité.

 

Nous avions justifié en 2005 notre vote défavorable à partir de quelques points qui nous paraissaient essentiels : la forte prédominance du secteur privé à but lucratif dans notre département, totalement à l’inverse de la moyenne nationale, générant des tarifs de séjour incompatibles avec le revenu médian des populations concernées et l’absence d’actions significatives susceptibles d’inverser cette tendance. Nous avions dit que votre mesure imposant au secteur privé une obligation de réserver
20 % de la capacité totale à des lits habilités à l’aide sociale n’était pas de nature à répondre aux besoins existants en la matière. Les chiffres que vous nous présentez nous donnent hélas raison, même si à l’époque notre vote défavorable nous avait valu des commentaires acerbes.

 

Car si à l’époque, les structures privées représentaient 60 % de l’ensemble, elles se situent aujourd’hui à 59 % ce qui ne constitue pas vraiment un bouleversement. Quant aux lits habilités à l’aide sociale dans le secteur privé, ils représentent 9,4 % du total, bien 1oin donc des objectifs affichés. Ces chiffres montrent bien que l’essentiel des créations, comme nous l’avions dénoncé, a bénéficié au secteur privé et n’a donc fait que creuser l’écart entre les capacités d’hébergement et le niveau des revenus des personnes souhaitant y accéder. D’autant que dans le secteur privé, de nombreuses prestations viennent en supplément du prix de journée ce qui permet de verser aux actionnaires des dividendes supérieurs à 7%. Par ailleurs à titre d'exemple, dans les Établissements D'hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EPHAD) publics des Paillons, le prix de journée pour une chambre double est inférieur au montant fixé pour le tarif aide sociale consenti au privé

 

Quant aux créations, entre l’autorisation de 2 308 lits et leur mise en service il y a un gouffre que les chiffres ne sauraient masquer. Car le rapport indique que depuis 2005, 638 lits nouveaux ont ouvert soit à peine 27,6 % du total et qu’en plus, pour ce qui est des lits médicalisés, « à ce jour, seuls 2 EHPAD, représentant 163 nouveaux lits, sont intégralement financés au titre des soins, » ce qui nous situe bien loin des chiffres avancés, notamment concernant notre ratio d’équipement, dans un département où la population de plus de 60 ans est nettement supérieure à la moyenne nationale.

 

Se pose ensuite la question majeure du manque de moyens dont souffrent les EPHAD, notamment publics, pour prendre en charge des personnes de plus en plus dépendantes et désorientées – Alzheimer par exemple – avec un tarif dépendance qui ne prend pas en compte la réalité humaine et sanitaire, du fait de la diminution de la part soins par l’Agence Régionale de Santé et des problèmes soulevés par l’incidence du dispositif de convergence tarifaire. S’y ajoute un texte appelé, "harmonisation du codage pathos" datant du 27 avril 2009, qui consiste à rendre draconiennes les cotations touchant plus particulièrement à la rééducation et à la prise en charge psychologique ou psychiatrique.

 

Voilà quelques-unes des conséquences de la loi “Hôpital, Patients, Santé, Territoires” (HPST) dont pourtant vous vantez les prétendus « avantages » dont un autre des objectifs sous-jacents est la disparition, à terme, des unités de soins de longue durée (USLD) pour les intégrer dans des EHPAD qui ne disposent pas des moyens nécessaires à la prise en charge de pathologies lourdes. Tout cela est contraire à la bientraitance et met en situation de souffrance les personnels, avec tout ce que cette situation peut impliquer en termes d’absentéisme. Qui plus est, concernant l'aide sociale, il est demandé aux établissements de faire l'avance de trésorerie sur une base surévaluée qui ne correspond pas à la réalité des personnes prises en charge. Cette situation a pour effet de transformer de facto les EPHAD en banquiers du Conseil Général car la régularisation ne s'effectuera dans le meilleur des cas qu’en fin d’année.

 

Un autre point que nous avions évoqué concernait les Services de Soins Infirmiers À Domicile (SSIAD) dont la couverture d’intervention était nettement inférieure à la moyenne nationale, ce qui semble être toujours le cas et c’est peut-être pour cette raison que ne figure dans le rapport aucun chiffre sur leur évolution depuis 2006 ni aucune fiche action comportant des engagements concrets sur ce sujet. C’est d’ailleurs le cas des 22 fiches action où ne figure aucun chiffrage précis.

 

Une autre question primordiale concerne le maintien à domicile des personnes âgées qui répond en effet, à une forte demande et présente d’énormes avantages tant au niveau humain en leur évitant une perte de repères, que social en assurant un lien permanent avec l’environnement de la personne et en lui maintenant son statut dans notre société. Noël Albin évoquait déjà en 2005 « d’importantes carences, faute de moyens, dans les différents dispositifs de maintien à domicile », par exemple en matière « de personnel qualifié intervenant  dans le secteur de l’aide ménagère ».

 

Vous pouvez toujours parler de « démarche qualité pour promouvoir la bientraitance » mais votre refus d’appliquer la loi du 02 janvier 2002 sur la modernisation du champ médico-social ne s’inscrit assurément pas dans cet objectif puisqu’elle permettrait d’illustrer une volonté de travailler en relation avec les associations qui ont développé la professionnalisation, la valorisation des métiers, la qualité par la certification NF. Car si le soutien à domicile reste affirmé comme axe majeur et pour notre part nous y sommes plus que favorables, concrètement nous avons assisté aux fermetures d’associations importantes, à la multiplication de micro-entreprises ou d’auto-entrepreneurs sur le secteur avec des incidences inévitables sur la qualité et la professionnalisation de la prise en charge. Une nouvelle fois place est laissée à la logique marchande, peu soucieuse de la qualité des prestations servies et de la qualification des intervenants.

 

Le tarif horaire consenti aux associations intervenantes dans les dossiers APA avait connu, avec l’arrivée de votre prédécesseur, une baisse significative passant de 17,10€ à 15,41€. Le Président avait argué du fait que le tarif devait s’aligner sur celui de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse (CNAV).

Force est de constater qu’aujourd’hui, il n’en est rien puisque le tarif CNAV qui concerne des personnes moins dépendantes (GIR 5 et 6) est à 18,46 € alors que celui du CG est à 18,13 € pour les personnes en GIR1 à 4.

Cette situation a conduit des structures vers le déséquilibre financier et leur fermeture. Afin de résoudre ce problème, les prestataires ont recours au relèvement de leur tarif horaire ce qui induit un restant à charge insupportable pour les bénéficiaires les plus miséreux les éloignant du système social et solidaire.

 

Si nous regardons d’un peu plus près la situation, nous verrons que la grande majorité des personnes ont recours au gré à gré. Ainsi, elles pensent faire l’économie des frais de structure inclus dans le tarif horaire des associations. La réalité se traduit par un manque de professionnalisme, des risques liés à une méconnaissance des droits du  travail, la rupture d’aide lors des absences du salarié…

 

Nous nous situons là bien loin d’objectifs qualitatifs, mais plutôt dans la vision d’une époque qui semble vous être chère, puisque, selon vous, 5 sœurs y accomplissaient le travail de 50 personnes aujourd'hui, sauf que cette époque était celle des hospices véritables mouroirs, où la « charité » faisait office de bientraitance. Nous nous situons dans une toute autre perspective.

 

La qualité doit être revendiquée pour l’usager mais elle a un coût qui ne peut être supporté par les associations au risque de dériver vers une inflation des tarifs. Si derrière le développement de nouvelles technologies, il y a la télégestion, les coûts générés par les équipements ne pourront pas être supportés par les structures déjà fragilisées financièrement. Il faudra que les services  de la Direction de la Santé et des Solidarités se tournent vers la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA) pour mobiliser les fonds et organiser collectivement la réponse. 

 

Plus globalement, une question aussi essentielle que la promotion de l’autonomie et la prise en charge de la dépendance, qui relève en premier lieu de la solidarité nationale, devrait nous amener tout d’abord à rappeler à l’État ses responsabilités plutôt que d’accompagner avec empressement son désengagement croissant qui vise à terme à offrir au secteur privé ce qu’il entend transformer en « marché juteux ». Nous estimons que les réponses à un enjeu de société d’une telle ampleur ne pourront trouver de réponse satisfaisante et équitable que dans le cadre de la solidarité nationale et d’une cinquième branche de la Sécurité Sociale qui assure un financement pérenne à partir des richesses créées par le travail en mettant à contribution les revenus financiers qui en sont issus et non pas dans un éventuel cinquième risque qui s’inscrive dans une logique assurantielle. 

 

Voilà qui explique peut-être la mise aux oubliettes du grand débat national sur la dépendance promis par le Président de la République. Car pour répondre à cet enjeu, ce n’est pas tant la multiplication de ratios de toutes sortes inspirées en premier lieu par des considérations financières que nos aînés attendent, c’est une politique publique ambitieuse qui se donne les moyens à long terme d’une prise en charge de qualité leur permettant de poursuivre leur vie dans la dignité et le respect.

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