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19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 15:43

Intervention de Monsieur Jacques VICTOR

Au nom du Groupe Communiste

  

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Madame, Monsieur,

 

Pour la troisième année consécutive, nous est présenté un budget en importante diminution – moins 50 millions d’Euros. Dans votre rapport Monsieur le Président vous justifiez cette diminution par la baisse des droits de mutation dont nous avons toujours dénoncé le côté aléatoire ainsi que le risque que représentait leur volume dans nos recettes et par ce que vous appelez pudiquement « l’évolution défavorable des concours de l’État ». Mais cette diminution n’est que le reflet d’une soumission continue au dogme de l’austérité, aggravé par l’asphyxie des finances locales organisé avec votre soutien, par les précédents gouvernements, notamment par un transfert de charges toujours plus lourdes très incomplètement financé. Le désengagement de l’État ne date pas de cette année.

 

Les conséquences se traduisent par une baisse de nos politiques de fonctionnement, ce qui veut dire moins d’interventions dans nos missions de service public, quand bien même vous arguiez d’une « augmentation importante de nos actions sociales ». Les quelques chiffres qui suivent sont là pour témoigner que l’augmentation de certains budgets est plus le fait de compétences qui nous sont imposées que l’expression d’une volonté politique :

 

En premier le R.S.A. qui voit encore se creuser pour 2013 le déficit entre les dépenses supportées par le Département et la compensation de l’État. Mais s’agissant de notre action, un chiffre mérite d’être souligné sur la période qui va de 2010 à 2013. Lorsque pendant cette période le montant des allocations versées a augmenté de 12,6 M€ traduisant les ravages sociaux de la politique que vous avez soutenue au niveau national, les dépenses relatives à l’insertion ont diminuées de près de 8 M€ ! Concernant la politique d’aide aux personnes âgées, et sur deux ans seulement par rapport au BP2011, entre les frais de séjour et l’A.P.A. à domicile la baisse représente 18,37 M€ en moins ! Sur la politique Enfance et Famille la diminution par rapport à 2010 sur la Prévention se chiffre à plus de 2 M€ ; 26,5 M€ de moins sur la même période pour le logement qui, même s’il ne relève pas des compétences départementales, n’en reste pas moins un drame pour toutes les familles cherchant à se loger décemment et une lourde hypothèque sur l’avenir des Alpes-Maritimes ; plus de 3 M€ de baisse encore sur le Budget Sports et Jeunesse par rapport à 2010. Faut-il y ajouter l’éducation – 5,7 M€ soit moins 9%, par rapport à l’année dernière et la baisse du budget de fonctionnement de la solidarité territoriale de près de 1,8 M€ ?

 

Nous voyons bien qu’en ce domaine, il s’agit ni plus ni moins que de l’application des politiques d’austérité que vous avez conduites nationalement ces dix dernières années et qui malheureusement se perpétuent et s’accentuent avec les décisions de l’actuel gouvernement.

Une démonstration entre autres que nos capacités autonomes de gestions sont sacrifiées devant les contraintes de gestions nationales et locales imposées par l’Élysée, Matignon via la Commission Européenne, aggravées qui plus est par l’adoption du Traité d’austérité que vous avez voté avec enthousiasme avec l’actuelle majorité parlementaire à l’Assemblée nationale.

 

Il était légitime de penser qu’à partir du 6 mai les priorités s’inversent. Mais nous ne pouvons que constater comme chaque jour le dogme libéral qui constitue votre référence se perpétue hélas quels que soient les décideurs.

Cette politique d’austérité, d’où qu’elle vienne, ne peut que nous conduire dans le mur. Combien d’exemples en Europe sont là pour le démontrer. Et le Traité Européen auquel j’ai fait référence ne pourra que faire empirer la situation de nos populations, en consacrant des abandons de souveraineté qui mettent sous tutelle bruxelloise  les grandes orientations économiques de notre pays.

 

Nous espérions malgré tout, comme notre groupe l’a exprimé lors du Débat sur les Orientations Budgétaires, que nous prendrions le contre-pied de toutes les injonctions austéritaires par une politique de relance de nos investissements profitables en premier lieu aux PME PMI locales et à l’emploi ; bien au contraire pour la 4ème année consécutive ceux-ci seront encore en baisse pour atterrir à 200 M d’Euros soit une diminution de + de 50 % et – 205 M d’€ en 5 ans malgré votre euphémisme de « préserver un niveau d’investissement significatif ».

 

Des dépenses d’investissement qui ne représentaient plus que 22 % du total des dépenses au Compte Administratif 2011 lorsqu’en 2008 elles se situaient à 31%, avec, qui plus est, un taux d’exécution ayant reculé de 16 % ! Formule donc bien loin de la réalité des chiffres mais surtout au regard des besoins à satisfaire pour nos populations. Et c’est là que nous avons une divergence de fond quant au recours à l’emprunt dont vous vous félicitez qu’il soit à nouveau en diminution alors que dans le contexte actuel tout indique qu’une démarche de l’investissement par l’emprunt et une majoration des concours de l’État plutôt qu’une diminution serait de nature non seulement à répondre aux attentes sociales fortes que vous reconnaissez, mais constituerait aussi une formidable bouffée d’oxygène pour la relance de l’économie et de l’emploi, si fortement malmené lui aussi par la politique de récession.

 

Il est vrai que le recours à l’emprunt se trouve confronté aujourd’hui à l’attitude spéculative scandaleuse du secteur bancaire et financier qui joue un rôle dangereux avec ses refus et ses taux usuriers, conforté par les privilèges octroyés ces dernières années. Ces seigneurs du coffre-fort ont su abondamment profiter des largesses de l’État en 2008 et 2009 pour s’engraisser depuis comme le démontrent les dividendes généreusement distribués aux actionnaires mais empêchent aujourd’hui en asphyxiant l’investissement la relance économique pour mieux aller spéculer sur les places financières.

 

Il est vrai aussi, que le gouvernement actuel poursuit la politique de rigueur menée par le précédent à l’égard des collectivités locales. A nouveau sa contribution sera en baisse cette année et que dire de ce qui nous attend puisque, pour 2014 et 2015, de nouvelles baisses conséquentes sont annoncées en reprenant le discours en vigueur avant le 6 mai sur la participation à l’effort des collectivités territoriales. Comme si la pression n’était pas déjà insupportable pour celles-ci. Elles semblent bien loin les déclarations de François Hollande, en mars dernier, lorsqu’il déclarait : « Les collectivités ne sont pas un poids mais une solution. Il ne faut pas les brider davantage ».

 

Dans le même temps les cadeaux fiscaux se perpétuent pour les grandes entreprises avec le maintien de la suppression de la Taxe Professionnelle sans aucun effet sur l’emploi, quand non seulement la compensation versée est loin de correspondre aux ressources qu’elle procurait pour les collectivités, comme elle sape l’autonomie fiscale des collectivités et supprime le lien essentiel entre territoire et activité économique. S’y ajoute un nouveau cadeau de 20 Milliards d’Euros, ne comportant aucune contrepartie, qui vient d’être décidé par l’actuelle majorité parlementaire sous couvert de « compétitivité », cédant ainsi aux roucoulements des « pigeons » patronaux. Un jackpot dont les familles auront à supporter à nouveau les conséquences (10 Milliards de TVA supplémentaire et de taxes écologiques ainsi que 10 Milliards de réduction de services publics). Mais il est vrai que comme l’écrivait Alphonse Allais en son temps : «  Il faut prendre l’argent là où il se trouve. C’est-à-dire chez les pauvres. D’accord ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres ! » Comme si la coopération n’était pas plus essentielle en ces temps difficiles pour la majorité de notre peuple que la compétition. Même Paul Krugman, « prix Nobel d'économie », s’élève « contre la “dangereuse obsession” de compétitivité de l’Union européenne » car « la compétitivité est un mot vide de sens lorsqu’il est appliqué aux économies nationales ».

 

Voilà qui démontre qu’à l’heure actuelle, l’effort est surtout reporté sur les familles et rend plus que jamais urgente une réforme de la fiscalité locale qui rétablisse, par une légitime contribution territoriale des entreprises, le lien entre territoire et développement économique. Légitime car elles bénéficient de toutes les infrastructures et services financés par le contribuable et ne sont pas sollicitées au même niveau, c’est le moins que l’on puisse dire. Sur cette question nous déposons d’ailleurs une motion qui sera débattue en fin de séance.

 

En ce qui concerne nos recettes de fonctionnement, celles-ci sont notamment impactées par le renoncement de l’État à inverser là aussi le processus de désengagement que nous avons subi ces dernières années mais que vous ne semblez découvrir que maintenant. Un renoncement qu’illustre une Dotation Globale de Fonctionnement à nouveau en baisse et le refus de l’État de rembourser aux départements les sommes qui leur sont dues au titre du transfert de compétences.

 

Vous l’écrivez vous-même dans votre rapport, le Fonds de Compensation de l’État pour l’A.P.A. sera de 33,5 M€ pour une dépense de 113,5 M€, idem avec la compensation du handicap pour un concours de 10 M€ quand la dépense prévue est de 27,37 M€. Que dire du dispositif RSA, quand toutes les politiques d’appauvrissement menées depuis des années font grimper le nombre d’allocataires à 26 232, et où la contribution de l’État laisse à la charge du département un peu plus de 24 M€ !

Ne serait-ce que pour ces trois missions premières de notre assemblée, la dette de l’État s’élève à près de 122 M€ pour cette seule année. S’agissant de missions qui relèvent de la solidarité nationale, elles doivent être financées par l’État même si le Département a la responsabilité de la compétence. Ces chiffres illustrent bien la duperie de la pseudo compensation à l’euro près que vous avez abondamment vantée. Là encore se perpétuent les mêmes comportements d’asphyxie financière des départements et des communes pour mieux les voir disparaître au profit des Métropoles ou des Régions dans une logique de compétition stérile et destructrice, tout comme se prépare la disparition des États Nations au profit de l’Union Européenne par le biais de son dernier traité carcan.

 

Comme nous l’avons toujours réclamé, l’État doit assumer les moyens des responsabilités qu’il transfère, dans un esprit de solidarité nationale et d’équité territoriale. Et nous devons récupérer les sommes qu’il nous doit afin de satisfaire aux besoins des populations des Alpes-Maritimes. Nous avons d’ailleurs déposé sur ce sujet une motion qui sera débattue en fin de séance.

 

Ce contexte d’assèchement de nos possibilités financières et de rabougrissement constant de notre autonomie financière, m’amène à poser la question : à quoi peut servir le département quand globalement plus de 80 % de son budget sert à financer des politiques contraintes par l’État sans que nous en maîtrisions ni l’évolution des dépenses ni celle des recettes, les moins de 20 % restants devant couvrir les politiques volontaristes. Une petite part qui, sans changement dans le comportement de l’État et sans mesures visant à dégager de nouvelles ressources fiscales là où se trouve l’argent, ne pourra que s’amenuiser. Avec une autonomie en peau de chagrin qui a vu la part des recettes dont nous décidions passer d’un tiers en 2009 à
16 % à l’heure actuelle suite aux lois votées par la précédente majorité parlementaire. Qu’adviendra-t-il de nos possibilités d’aide aux communes, aux intercommunalités, à la vie associative, au logement ou à la culture ? Quel sens peut avoir dans ce cadre le maintien de la clause de « compétence générale » ?

 

Sans nouvelles recettes, des interventions qui reculent. Nous en sommes réduits à gérer la pénurie. Est-ce la méthode choisie pour justifier la disparition des Départements ? Alors que nous pourrions légitimement avoir des désaccords sur les choix, nous pourrions en même temps être d’accord sur les moyens nécessaires à dégager pour répondre aux besoins qui sont nombreux.

 

L’austérité n’est pas la solution, elle est le problème. La spirale de la réduction des financements publics ne peut mener qu’à la récession, ainsi que le montre la situation de plusieurs pays voisins. Il n’y a pas de fatalité à cette situation, malgré le matraquage indécent visant à conditionner les esprits pour se résigner à cette seule impasse. Il faut inverser cette logique suicidaire.

 

Notre pays et notre département ont non seulement besoin d’un autre partage des richesses produites par le travail qui n’est pas un coût mais une ressource, mais aussi d’une utilisation de ces moyens qui se fonde en premier lieu sur la réponse aux nombreux besoins de nos populations.

 

Oui il faut un nouvel impôt territorial pour les entreprises, notamment les plus grandes, afin qu’elles contribuent également au développement des territoires.

 

Oui de nouvelles ressources peuvent être dégagées entre autres par la taxation des actifs financiers.

 

Oui nos collectivités ont besoin de développement des services publics, gages d’activité économique et d’équité sociale. La voie n’est pas celle de la compression des effectifs et leur lot de réduction de prestations et de services rendus aux populations.

 

Oui nous avons besoin d’un État au service des Collectivités et de leurs populations qui s’inspire des propositions ci-dessus et règle ses dettes en assumant ses responsabilités. Il est quand même pour le moins paradoxal de voir cet État plus pressé de régler ses dettes auprès des banques et autres institutions financières privées plutôt qu’auprès de ses communes, départements et régions.

 

Oui nous avons besoin d’une véritable décentralisation démocratique qui garantisse une réelle autonomie fiscale des départements gravement remise en question aujourd’hui et favorise la participation qui fasse de chaque citoyen un acteur du devenir de son territoire.

 

Oui nous avons besoin pour ce faire d’un système bancaire et financier au service des collectivités et des populations et orientée vers la réponse aux besoins des populations et non vers une spéculation sans issue. Seule la constitution d’un pôle public financier est à même de satisfaire cette nécessité.

 

Autant de propositions qui serviraient notre budget et qu’une réelle politique de changement se devrait de mettre en œuvre. Et que l’on ne se retranche pas au détour d’une pirouette sur le fait que le Conseil Général n’est pas l’Assemblée Nationale. Toutes ces questions concernent très directement les populations, l’activité et le devenir des Alpes-Maritimes.

 

14 Députés et Sénateurs siègent dans nos parlements, certains sont ici élus. Nous attendons par leurs votes qu’ils inversent la logique suicidaire dans laquelle nous sommes enfermés, même s’il est légitime d’en douter au regard des votes exprimés jusque là.

 

Sans cela rien de neuf n’est à espérer. Le grand Jean Jaurès le disait avec ses mots :

« L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir. » Nous n’entendons pas renoncer à l’espoir.

 

C’est la raison pour laquelle, au regard de votre proposition de budget 2013 qui va aggraver la situation de nos communes et de nos populations, notre position ne pourra que se traduire par un vote contre.

 

 

 

 

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